Un titre historique, une communion
attendue… mais un selfie calculé est venu briser la magie. Même
Salah n’est plus à l’abri du marketing.
Ils ont attendu 35 ans. Une éternité.
Depuis le dernier sacre célébré devant les travées d’Anfield,
le peuple rouge n’avait plus connu cette ivresse dans sa
cathédrale. Et pourtant, au moment d’inscrire ce souvenir dans la
légende, un geste est venu ternir le cliché. Mohamed Salah, figure
héroïque de cette génération dorée, s’est arrêté,
non pas pour communier avec la foule, mais pour dégainer un
smartphone — et pas n’importe lequel : un Google Pixel, exhibé
comme un trophée sous les projecteurs.
Un geste trop bien cadré pour être innocent
L’image a fait le tour du monde. Précise. Parfaite. Trop
parfaite. À tel point qu’elle a éclipsé, dans certains médias,
l’explosion de joie, les accolades, les larmes. Et dans un monde où
chaque détail compte, il serait naïf de croire que ce geste n’était
pas prémédité. Ce n’était pas un élan du cœur, mais un calcul de
tête.
Mohamed Salah n’est pas n’importe quel joueur. Il n’est pas
juste une idole locale, c’est une figure tutélaire pour des
millions de fans au Moyen-Orient, un symbole de réussite, de
dignité, de fidélité. Lui qui a toujours incarné une forme de
romantisme dans un football de plus en plus cynique. Et c’est bien
là que réside la déception : voir celui qui fut longtemps perçu
comme un repère moral céder aux sirènes du marketing dans un
instant aussi sacré.
Quand le romantisme cède la place au marketing
Le football n’est pas mort, mais il souffre. Quand les plus
belles pages s’écrivent avec le sceau d’un sponsor, quand l’émotion
est calibrée pour une campagne publicitaire, il y a lieu de
s’interroger. Salah aurait pu immortaliser cet instant avec un
enfant dans les bras, un drapeau à la main, ou tout simplement avec
les siens. Il a préféré un placement de produit.
Certes, il n’est ni le premier ni le dernier à s’inscrire dans
cette logique. Et il ne s’agit pas ici de dresser un procès, encore
moins de remettre en cause ce qu’il a apporté au club. Mais à ce
moment précis, alors que le cœur des fans battait à l’unisson avec
celui de l’équipe, ce selfie avait un goût de trahison douce.
L’instant aurait dû être pur, il est devenu opportun.
Peut-être est-ce cela, le vrai drame de notre époque : quand
même les héros se mettent à penser en influenceurs, c’est que la
magie a changé de camp. Et cette fois, elle n’est plus du côté du
terrain.