L’OL relégué en Ligue 2 : un séisme !
Malgré les recours, le géant lyonnais semble piégé. Analyse des 5
raisons d’un sauvetage quasi impossible.
Le
couperet est tombé, et sa lame a tranché net dans l’histoire d’un
des plus grands clubs français. L’Olympique Lyonnais, institution
aux sept titres de champion consécutifs,
est administrativement rétrogradé en Ligue 2 par la Direction
Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG). Un séisme, une onde de
choc qui secoue tout l’écosystème du football hexagonal. Si John
Textor, le propriétaire américain du club via sa holding Eagle
Football,
a immédiatement annoncé son intention d’utiliser toutes les voies
de recours – appel puis potentiellement saisine du Comité
National Olympique et Sportif Français (CNOSF) – la réalité des
chiffres, des précédents et du calendrier dresse un tableau sombre.
La mission sauvetage, aussi ardemment souhaitée par des milliers de
supporters, s’apparente à une course contre la montre aux obstacles
quasi insurmontables. Décryptage en cinq points des raisons qui
rendent l’issue de ce bras de fer (presque) inéluctable.
1. Des
comptes dans le rouge vif : une dette abyssale et des pertes
colossales
Le premier mur auquel se heurte l’OL est celui de sa situation
financière alarmante. Les derniers chiffres communiqués au 31
mars 2025 sont éloquents : une dette consolidée qui dépasse les 540
millions d’euros (en augmentation de 77 millions en seulement six
mois), une trésorerie divisée par deux et un résultat net accusant
une perte de 117 millions d’euros. Face à ce gouffre, la DNCG avait
exigé une injection de fonds propres à hauteur de 175 millions
d’euros avant le 30 juin. Une somme que le club n’a manifestement
pas pu apporter en temps et en heure, du moins pas sous la forme
d’un virement effectif, condition sine qua non pour le gendarme
financier du football français. Même si Lyon parvenait
miraculeusement à mobiliser ces fonds a posteriori pour l’appel, un autre défi de taille se
présenterait : la validation d’un budget 2025-2026 équilibré. Or,
avec une masse salariale encore conséquente, les revenus
drastiquement réduits de la Ligue 2 rendraient cet exercice
comptable extrêmement périlleux. Le mythe du club « trop
gros pour descendre », que certains agitaient en citant
le troisième budget de L1 (220-250 M€), s’effondre brutalement,
rappelant la douloureuse faillite des Girondins de
Bordeaux.
2. Un
actionnaire en difficulté et sous haute surveillance
La
capacité de John Textor à renflouer les caisses lyonnaises est au
cœur des interrogations. Sa holding, Eagle Football, affichait déjà
une dette de 574,8 millions de dollars en octobre 2024, et ses
autres clubs satellites comme Botafogo ou Molenbeek ont également
des besoins financiers pressants.
La vente espérée de Crystal Palace, estimée à environ 222
millions d’euros, n’est toujours pas finalisée. Sans le déblocage
rapide de ces fonds, difficile pour Textor de présenter des
garanties solides et immédiates à la DNCG. S’ajoute à cela la
vision « investisseur-startup » de l’Américain, qui
semble parfois entrer en collision avec la culture de contrôle
budgétaire rigoureuse prônée par les instances françaises. De plus,
l’UEFA enquête sur la situation de multipropriété impliquant
Crystal Palace et Lyon. Si l’OL devait rester en Ligue 2, les
recettes européennes, sur lesquelles le club comptait pour son plan
de redressement, disparaîtraient, anéantissant l’effet de levier
promis à la DNCG.
3. Une
jurisprudence défavorable : la DNCG cède rarement
L’historique des décisions de la DNCG n’incite
guère à l’optimisme pour l’OL. Depuis 2019, sur treize clubs
rétrogradés administrativement pour des raisons financières, seules
deux décisions ont été totalement infirmées en appel. Et jamais
pour un club présentant un niveau d’endettement comparable à celui
de Lyon. Les exemples récents de Niort (rétrogradation confirmée
puis exclusion en 2024) ou de Bordeaux (rétrogradé en National 1 en
2024, appel rejeté, menant au dépôt de bilan) illustrent la fermeté
de l’instance. Les dossiers jugés « complexes »
atterrissent souvent devant le CNOSF. Cependant, il est crucial de
rappeler que le CNOSF ne se prononce pas sur le fond financier du
dossier ; il propose une conciliation, qui n’est pas contraignante.
Dans la grande majorité des cas (environ 90%), la Fédération
Française de Football (FFF) suit l’avis initial de la
DNCG.
4. Un
calendrier éclair impossible à tenir pour présenter des garanties
solides
Le temps
est un ennemi redoutable pour l’Olympique Lyonnais. Le club dispose
de sept jours pour interjeter appel de la décision de la DNCG. En
pratique, la commission d’appel se réunit généralement dans un
délai de dix à quinze jours. Et la règle est stricte : les fonds
exigés doivent être physiquement déposés sur un compte
bloqué avant l’audience d’appel. Une simple lettre
d’intention ou une promesse de virement ne suffit pas. Si l’OL
devait ensuite saisir le CNOSF, la décision finale pourrait être
repoussée au tout début du mois d’août. Or, les calendriers des
championnats professionnels et la validation des effectifs pour la
saison à venir doivent impérativement être bouclés fin juillet. La
Ligue de Football Professionnel (LFP) et les diffuseurs ont besoin
d’une grille de départ stable et définitive, ce qui met une
pression supplémentaire pour une résolution rapide, souvent au
détriment des clubs en difficulté.
5.
L’impact dévastateur de la
Ligue 2 sur les finances : un cercle vicieux pour
l’appel
Paradoxalement, la perspective même de la Ligue
2 – verdict que l’OL tente de renverser – crée un cercle vicieux
financier qui mine ses chances en appel. Si la relégation était
confirmée, les conséquences économiques seraient si brutales
qu’elles rendent la présentation d’un budget équilibré et crédible,
même pour l’échelon inférieur, extrêmement complexe. Les droits TV,
manne financière essentielle, s’effondreraient : de 30 à 50
millions d’euros par an en Ligue 1 pour l’OL, ils seraient
plafonnés à 2 ou 3 millions en Ligue 2, plus une part variable très
limitée. Les recettes de billetterie et d’hospitalités subiraient
une baisse d’au moins 40%, selon les études d’impact. Le Groupama
Stadium, autrefois un atout majeur, devient un fardeau : une clause
de relégation dans son financement impose que la caisse de réserve
(DSRA) reste provisionnée à hauteur de douze mois de service de la
dette tant que la relégation est une menace, générant un surcoût de
trésorerie immédiat. Sportivement, l’effet domino est inévitable :
des départs de joueurs majeurs (Nuamah, Fofana sont déjà ciblés)
seraient facilités, et une interdiction de recrutement pourrait
même être prononcée si la masse salariale n’est pas drastiquement
réduite (de 40 à 50%). Ces projections désastreuses pèsent
lourdement sur la crédibilité du plan de sauvetage que l’OL doit
présenter à la commission d’appel pour espérer un maintien en Ligue
1.
En
conclusion, si l’Olympique Lyonnais va légitimement se battre
jusqu’au bout, en multipliant les recours et en tentant de
mobiliser des fonds en urgence, les obstacles structurels,
financiers, juridiques et calendaires semblent dessiner une issue
défavorable pour éviter la Ligue 2. La perspective de cette
descente, avec ses conséquences économiques dévastatrices,
affaiblit d’autant plus sa position. La chute à l’étage inférieur,
aussi douloureuse et impensable soit-elle pour ce géant du football
français, apparaît aujourd’hui comme un scénario dont il sera
extrêmement difficile de s’extraire. Le football français retient
son souffle, face à ce qui pourrait être l’une des plus grandes
déflagrations de son histoire récente.
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